L’étude propose d’établir une cartographie du terme « ignorance ». L’objectif est de montrer dans quel contexte ce terme est utilisé par les juridictions. Cette contribution s’inscrit dans une démarche historique de l’appréhension par le juge de l’ignorance et des thèmes contentieux dans lesquels on la retrouve. Ainsi, l’analyse permet grâce à un corpus très large allant du XVIe siècle à aujourd’hui de déterminer le sens de ce mot, dans divers contentieux, au travers de l’utilisation qu’en fait le juge. Une première partie de l’étude consiste à montrer que le terme est usuel, puis sera dégagée la manière dont le pouvoir juridictionnel se saisit de cette notion, afin de systématiser les définitions multiples qu’elle revêt. En effet, on parle déjà d’ignorance sous l’Ancien Régime. Le terme est utilisé par le Roi de France dès le XVIe siècle dans son office juridictionnel et par les parlements d’Ancien Régime. L’ignorance n’apparaît pas avec les sciences et techniques dans le prétoire, même si son utilisation contemporaine contribue à le faire croire. On pourrait parler plutôt de polysémisation de la notion au sein de la jurisprudence, concomitante à l’essor des questions relatives aux sciences portées devant le juge. L’objectif est donc bien de comprendre comment le champ discursif environnant l’ignorance a pu évoluer au cours du temps. L’ignorance est-elle devenue un terme de mieux en mieux défini, cadré ? Au contraire, a-t-elle avec l’extension de ses domaines d’application, perdu de sa substance sémantique ? Cette remarque montre l’utilité de mener une étude chronologique et sans barrière temporelle pour apprécier la multiplicité évolutive des significations juridiques de l’ignorance.